Le corps en mouvement comme interface

 

La mise en œuvre des scénographies tridimensionnelles interactives fait directement suite à la spatialisation de la peinture mais signe une rupture totale par le recours aux technologies numériques de l’image 3D immersive. Cependant, tout en franchissant ce saut décisif dans le virtuel, je crée mes installations interactives en conservant intacte ma sensibilité et mes qualités de peintre et je poursuis, en l’adaptant aux exigences du monde contemporain, cette longue et vaste interrogation sur la perception visuelle que constitue depuis toujours l’histoire de la peinture.

Avec les installations en Réalité Virtuelle ou Augmentée, la scène devient numérique. Par des procédés de numérisation la matière-peinture se transforme en matière-image opérant une migration de la peinture d’un territoire physique à un espace de données informatiques (data space) qui permet d’ouvrir la surface du tableau et d’y laisser pénétrer et agir, par le biais des interfaces, le spectateur à l’intérieur. Ce passage du pigment au pixel par une formule numérique, un peintre l’avait anticipé dans ses théories sur l’avènement d’une « synthèse scénique abstraite » rêvée pour le théâtre de son époque. C’est, en effet, en 1926 que Wassily  Kandinsky écrit dans Point et ligne sur plan, Contribution à l’analyse des éléments de la peinture, Gallimard, 1991, pp.111-112 : « En somme, toute force peut se traduire en chiffres, ce que nous appellerons formule numérique. Pour l’art ce n’est actuellement qu’une assertion théorique, qui, toutefois, n’est pas à négliger : nous manquons aujourd’hui de possibilités de mensuration, mais elles ne sont pas utopiques et seront trouvées tôt ou tard. A partir de ce moment toute composition trouvera sa formule numérique, même si au départ elle ne correspond qu’au « tracé » et aux grandes lignes. La suite est une question de patience qui aboutira à une division des grandes composantes en ensembles numériques de plus en plus petits. On ne pourra réaliser un traité de composition précis, que nous entrevoyons aujourd’hui, que lorsque nous serons en possession de la formulation numérique ».

Aujourd’hui, les technologies informatiques rendent non seulement possible ce passage mais elles permettent en plus la modélisation d’une scène numérique ouverte aux informations venant de l’extérieur grâce aux interfaces homme/machine. Ce qui permet de sortir la peinture d’un cadre de scène bidimensionnel  illusionniste, confiné aux rendus des apparences pour aborder un nouveau régime de visibilité rendant visible (au sens de Paul Klee pour qui l’art ne représente pas le visible mais il le rend visible) l’idée d’une perception active, relationnelle et transformatrice. Les scénographies interactives, en effet, qui mettent le corps du spectateur agissant par son geste interfacé au coeur d’un processus de transformation de l’image-système lui permettent d’expérimenter que « percevoir c’est agir » et « agir c’est transformer ». Et ce nouvel ordre du sensible qu’instaure la relation interactive grâce au recours aux outils de Réalité Virtuelle et Augmentée, figure des mondes, non plus comme images arrêtées, arrachées au continuum perceptuel mais comme succession d’images en perpétuelle transition, sans cesse reconfigurées par le corps physique et le corps mental interfacés dans l’acte de percevoir. Celui-ci étant lui-même sans cesse transformé dans le flux des images-systèmes, selon une flèche du temps irréversible et des boucles rétro-actives d’un dialogue performatif dynamique.

La peinture-environnement des installations physiques devient peinture-événement dans les scénographies interactives.

L’interacteur et sa perception sont au centre du système de représentation.

Les tableaux deviennent des « tableaux-systèmes dynamiques » constituant un système complexe duquel émerge un comportement global traduisant l’idée d’une perception transformatrice et interactive par un corps agissant sur un monde, non pas pré-donné mais où les individus, le monde et le sens se construisent l’un l’autre dans un processus collaboratif.

Centre-Lumière-Bleu, réalité virtuelle

Cyber-Light-Blue, web installation

Tableaux dynamiques

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